- Et la Grande Ourse ?
- C'était une très belle nymphe du nom de Callisto. Zeus était éperdument amoureux d'elle – comme de beaucoup d'autres femmes d'ailleurs. Quand Héra, l'épouse de Zeus, découvrit leur relation, elle changea Callisto en Grande Ourse et son fils Arcas en Petite ourse. Outragée par cette offense à son honneur, Héra demanda justice à l'Océan, et les ourses furent alors condamnées à tourner perpétuellement autour du pôle Nord, jamais autorisées à se reposer sous la mer.
- C'est fascinant ...

Eric resserra l'étreinte. Il n'était pas amoureux d'elle, mais elle lui plaisait, la petite blonde, avec son air naïf et parfois débile. Elle écoutait ses histoires avec attention, sans jamais l'interrompre avant qu'il n'ait fini. Elle écoutait doucement, une main posée contre celle de son petit ami. Elle la caressait.

- Je me demande où tu as appris tout cela. La mythologie, la sorcellerie, l'occulte en général. Ce n'est pas vraiment le genre d'histoires que nos mamans nous racontent quand on est petit ...

Dans son cas à lui, encore moins. Sa mère, comme son père, étaient morts alors qu'il n'avait que cinq ans. C'était un passage douloureux de son existence, une plaie jamais vraiment refermée, que tout le monde ouvrait sans complexe. Morgane n'avait pas fait exprès. Son côté débile, encore une fois. Pour cela, elle était bien différente des autres filles avec qui il était sorti. C'est ce qui l'avait attiré en premier chez elle. C'était d'ailleurs tout ce qui l'attirait réellement: sa différence. Du reste, elle n'était ni belle ni intelligente. Mais leur relation leur apportait le confort et la tranquilité dont il avait besoin. Tout avec elle était simple, sans complications.

- Tu me racontes encore une histoire ? De celles qui parlent de magie, ce sont mes préférées.
- D'accord.

Et puis il racontait, avec sa voix grave qui résonnait dans l'obscurité de la nuit. Les arbres auraient tremblé s'ils avaient pu. Eric avait un certain don pour ce genre de choses.

- C'était en Italie, en pleine Renaissance, un temps de richesse et de prospérité pour de nombreuses familles, l'art était à son apogée. Parmi elles il en existait une qui n'était pas tout à fait comme les autres: les Silvano. C'était depuis l'Antiquité une très grande famille de sorciers, qui se transmettaient leurs pouvoirs de père en fils, de mère en fille. Ceux-ci étaient très puissants et incontestables dans tout le pays. Frères, soeurs, cousins, tantes, leur union faisait leur force. Mais alors que partout on ne prononçait plus que le nom de Médicis, les Silvano mirent leurs pouvoirs, originairement bons et destinés à faire le bien, au service de leurs propres bénéfices et de leurs richesses personnelles. Rien d'étonnant qu'en quelques mois à peine ils parvinrent à concurrencer les célèbres mécènes. Malheureusement, le goût de la popularité et de l'argent se transforma rapidement en vice. Les Silvano perdaient le contrôle, ils utilisaient leur magie en public, s'enrichissaient, gagnaient en renommée et venaient eux-même à bout de tout ce pourquoi leur famille avait lutté durant des siècles. Alors un jour, il fallut réagir. Ce que l'on appelait à l'époque le Conseil des Sorciers se réunit pour statuer sur leur sort: en punition pour leurs fautes, on leur supprimerait tous leurs pouvoirs jusqu'à ce que ceux-ci servent à nouveau le bien de tous, comme il en avait été convenu à leur création. Mais malgré tous les pouvoirs du Conseil, ils étaient insuffisantspour anéantir ceux des Silvano définitivement, ils durent se résoudre à les réduire simplement à des fonctions passives: guérir, voir l'avenir, ... La mémoire des Humains fut également effacée pour qu'on oublie le désastre causé par ces sorciers et que ceux-ci puissent reprendre une vie normale, parmi la population. Depuis ce jour, les Silvano sont considérés comme des sorciers bannis et présentés de nombreuses fois comme des exemples de la folie à laquelle la sorcellerie peut mener, pour effrayer les novices. Dans le monde de la magie, on n'a plus jamais entendu parler d'eux ...
- C'est triste ...

En effet, c'était triste. Cette histoire, Eric la connaissait par coeur. Non pas parce qu'il la racontait souvent mais parce qu'elle faisait partie de lui, c'était son histoire, son passé, son fardeau. La décision du Conseil avait joué sur toutes les générations suivantes de Silvano et à ce jour, aucun n'avait retrouvé la maîtrise totale de ses pouvoirs.

- Tu es fatiguée, je te raccompagne chez toi ?

Il déposa un baiser empli de tendresse sur le front de la jeune fille et se leva, lui saisissant le bras. Il était déjà tard, on allait s'inquiéter. Elle n'insista pas, elle savait qu'elle n'avait pas la force de s'opposer aux décisions de son bien aimé. Pour elle aussi, il y avait dans cette relation quelque chose de réconfortant. Eric dégageait une force, une puissance sur laquelle elle pouvait compter, c'était son gardien, son bouclier. À eux deux, ils se complétaient.

Morgane n'habitait pas très loin de chez lui, heureusement. Tous les soirs depuis qu'ils sortaient ensemble, ils avaient pris l'habitude de se retrouver au square qui séparait leurs deux quartiers, il était quasiment désert à cette heure et les lieux étant assez calmes, il n'étaient pas dérangés. Ils regardaient les étoiles, discutaient. Ils étaient hors du temps, hors du monde. Rentrer, c'était revenir à la réalité, se réveiller et affronter le mur infranchissable de la vie.

Eric alluma la lumière du hall, posa ses clés sur le meuble à chaussures et pénétra dans l'antre. Aucun bruit ni aucune lumière ne provenait du salon, grand-mère devait déjà être couchée. Quelle bonne femme, il l'admirait vraiment. Elle avait passé sa vie à s'occuper de celle des autres et gardait malgré cela une énergie débordante. D'abord avait-il fallu élever sa propre progéniture, sa fille Anna, puis ses petits-enfants, Eric et son frère aîné, Louis. C'était quelqu'un de merveilleux.

Le jeune homme se laissa glisser dans le canapé et saisit la télécommande. C'était l'heure de sa série favorite.

- C'est injuste, c'est moi qui aurais dû hériter du pouvoir de guérison !

Tiens, ils n'étaient donc pas couchés. C'était la même voix grave que son frère Louis avait gardé depuis ses treize ans, quand il avait mué. Elle prenait des airs solennels les jours de grande colère. Il était devenu médecin depuis, pour le bonheur des derniers Silvano encore en vie.

- Laisse-moi guérir ça, j'te dis.
- Grand-mère, arrête !

Quittant son trône, Eric finit par se diriger vers les lieux du crime pour constater de l'étendue des dégâts. Ce n'était rien de bien grave, finalement. Louis s'était blessé et refusait de se laisser guérir par sa très chère mamie.

- Et puis, c'est vrai. Ton pouvoir de guérison m'aurait été beaucoup plus utile pour soigner des patients que le mien. Je lévite ... Tu croix que ça sert à quelque chose dans un hôpital ?

Depuis tout petit, il s'était mis en tête qu'il aurait le même pouvoir que grand-mère et avait été très déçu au moment où celui-ci s'était manifesté, de voir qu'il ne lui permettrait que de monter au ciel. Ses talents de guérisseuse étaient impressionants et lui donnaient une santé en or. Il suffisait qu'elle pose sa main sur une blessure pour la faire disparaître.

Entrant à son tour dans la salle de bain, le cadet jeta un oeil à la plaie sur le dos de son frère et s'avança vers le lavabo libre.

- À ton âge tu te bats encore, Louis ?

La réponse du grand frère et se limita à une grimace ironique.

- Encore sur cette histoire de pouvoirs, à croire que tu n'as pas d'autres sujets de conversation ! Estime-toi heureux d'en avoir, toi, un pouvoir !

Parce qu'il était plus jeune, ou plus faible, ou pour n'importe quelle autre raison, Eric ne possédait aucun pouvoir personnel. Il pouvait confectionner des potions et réciter des incantations, certes, mais il n'était ni capable de guérir ou de léviter ou quoi que ce soit d'autre. Depuis la décision du Conseil, c'était bien la première fois que ce genre de cas se produisait. Peut-être les pouvoirs des Silvano continuaient-ils de diminuer au fil des générations.

- Eh oui, frangin, c'est le prix à payer pour les conneries de nos très chers aïeux.
- Ça devient ridicule, leur affaire. Quand est-ce qu'ils vont nous les rendre ? On a déjà assez attendu. Et si maman avait eu plus de pouvoirs, elle serait encore parmi nous aujourd'hui. Leur décision a fait plus de mal que de bien.

Il n'y avait pas un jour sans qu'il n'y pense, c'était comme une marque de naissance, une trace indélébile sur sa peau. Louis avait eu plus de chance, il s'en souvenait mieux, Eric quant à lui se remémorait seulement les visages et surtout grâce aux photographies qui lui restaient de l'époque.

Le père était humain et la mère sorcière. Tous deux avaient été sauvagement assassinés au retour d'un bal masqué. Eric était persuadé qu'avec plus de puissance, Anna aurait pu se défendre et sauver sa vie. Louis rejoint son frère dans la chambre où celui-ci s'était réfugié.

- Tu ne vas pas recommencer ... Tu sais très bien que même si maman avait eu d'autres pouvoirs, elle n'aurait pas pu s'en servir contre des humains, c'est contraire aux lois de la famille. Je te signale qu'une génération de Silvano a déjà payé pour cela. Maman voyait l'avenir, si elle n'a rien fait pour éviter les meurtriers, c'est qu'elle savait que son heure était venue et elle ne désirait pas aller contre son destin.
- Ah parce que tu crois encore que la chose qui a tué nos parents était humaine ?! Louis, ouvre les yeux, c'était à la limite du cannibalisme ! On leur a brisé les vertèbres puis percé la jugulaire et ...
- Arrête.

Ce denriet mot était celui de grand-mère, au pas de la porte. Une mort est déjà douloureuse, elle l'est encore plus quand on sait que la personne aurait pu se défendre, en d'autres circonstances ...

- Je veux me coucher, j'ai une longue journée demain.

Sur ces mots, il souleva la couverture et se coucha, incitant Louis et grand-mère à quitter la chambre. Dans le salon, la télévision était restée allumée. Le journal avait commencé, la vieille femme reprit sa place et son petit-fils, encore secoué par sa douleur dans le dos, vint s'asseoir près d'elle.

- Tu crois qu'il a raison, Eric ?
- Mais non, bien sûr que non. Tu sais combien cette histoire l'a toujours traumatisé. Bon, changeons de sujet avant de nous mettre tous les deux à pleurer.

Elle était comme cela, la grand-mère. Elle ne pleurait pas, elle montrait ses sentiments avec une impressionnante difficulté. La mort, on en parlait tous les jours, au journal et personne ne pleurait. Ces temps-ci, tout le monde avait remarqué la vague de crimes qui gagnait le pays. Tous plus atroces les uns que les autres. Et la vieille dame remerciait le ciel chaque jour de maintenir leur petit quartier paisible.

Il fallait y croire pour se rendre compte de ce qui se passait en réalité. Eric savait leur existence. La façon de tuer, l'abondance du sang. C'étaient des vampires. Des vrais, avec des crocs aiguisés, une soif incontrôlable. Comme ceux qui avaient tués ses parents. Il n'en avait jamais vu en vrai, mais il avait beaucoup lu sur eux, il lisait beaucoup en général, c'était de là que provenaient toutes ses connaissances à ce sujet. L'histoire de la sorcière, du marchandage d'âmes pour sauver l'homme qu'elle aimait, cela ne lui était pas inconnu. C'était encore à cause d'une erreur de sorciers que le premier vampire avait été créé. Décidément, pourquoi n'avoir pas supprimé tous les sorciers une bonne fois pour toutes ?!

Eric attendait que le moment soit venu et il se doutait que son tour arriverait bientôt. Il s'en était toujours douté, en réalité, c'était pourquoi, même en dernière année il ne cherchait ni université ni projet professionnel, ses études s'arrêteraient à l'examen du secondaire et après, sa vraie destinée commençait.

Derrière tous ces meurtres irrésolus, il y avait quelque chose de bien plus gros, il le savait. Quelque chose qui les concernait tous, sorciers et sorcières. Une menace qu'ils avaient eux-même créée et qui s'associait parfois à sa propre race, ce qui rendait le combat plus difficile. Dans la bulle où il vivait, tout allait bien, mais à l'extérieur, la magie était en ébullition.

Oubliant ces pensées qui le tracaissaient encore et encore, il finit par plonger dans un sommeil lourd et sans rêve, de ceux dont on se souvient encore au réveil.

Mais le lendemain, à l'heure où il devait retrouver Morgane au square, il se retrouva seul. La blonde ne venait pas. Il s'assit, attendit. Ce n'était pas son genre. L'heure tournait, son téléphone sonnait en vain. Alors elle était comme les autres, finalement, une garce bonne à sauter et jetable après coup. Un simple morceau de viande. Et la viande, ça se périme vite.

Le chemin du retour fut plus rapide que d'habitude, sans détour de l'autre côté de la rue. Les mains dans les poches, il monta les escaliers du porche avant d'y apercevoir des gendarmes et la grand-mère effondrée.

Louis.

Non, ce n'était pas lui. Louis allait bien, il était juste quelque peu traumatisé par la nouvelle. Quelle nouvelle ? Que s'était-il passé ? Eric plongea les siens dans les yeux de sa grand-mère. À sa connaissance, ils n'avaient aucun proche à qui il aurait pu arriver quelque chose.

Morgane.

Eric ne dit rien, il restait là à attendre le rire nerveux qui mettrait fin à la farce. D'ailleurs, elle n'était pas drôle et où étaient les caméras ? Le regard de grand-mère ne mentait pas, il était vide. Morgane était morte, comme le père et la mère. Les meurtres continuaient, se multipliaient. Se rapprochaient. La bulle de protection avait été percée, ils n'étaient plus à l'abri. Louis proposa son aide pour fabriquer des potions, mais celle-ci était inutile. Savaient-ils au moins contre quoi ils se battaient ? Eric, lui, le savait.

Dans les semaines qui suivirent, la santé de grand-mère se dégrada rapidement. Son pouvoir était devenu inefficace sur son propre organisme. Elle s'enterrait un peu plus chaque jour. Ce monde qui se créait, plein de conflits et de magie, ce n'était pas le sien, pas celui dans lequel elle avait grandi, élevé sa fille et ses petits-fils. Elle sentait venir son heure. Ce combat n'était pas le sien et à son plus grand malheur, elle allait devoir laisser ses garçons adorés le vivre seuls, elle ne serait plus là pour les protéger.

La mort tant attendue survint finalement le quinze juin. Louis y laissa toutes les larmes de son corps. Eric, lui, n'était ue colère et souffrance. Il ne pleurerait pas, comme elle n'avait jamais pleuré devant les obstacles de la vie. Sans pouvoir, mais sorcier quand même. Il prenait la relève, plus déterminé que jamais. Le monde l'avait fait souffrir, il allait en payer le prix. Les ténères avaient beau craindre un peu moins les Silvano depuis que leurs pouvoirs étaient réduits, Eric était prêt à honorer à nouveau le nom qu'il portait. Eric di Silvano, un grand sorcier qui taira la mal dans son antre, comme ses ancêtres avant lui.

Sur la tombe de Morgane, alors qu'il venait de lui exposer ses projets, la rage cria plus fort. Ne sachant pas vraiment à qui il parlait, ne sachant pas vraiment pourquoi il parlait.

- Vous êtes fiers de vous, là haut ? Combien de morts faudra-t-il encore avant que vous vous décidiez à nous rendre nos pouvoirs ? La guerre qui se prépare est trop importante pour qu'on en soit encore exclus. Rendez les nous, arrêtez de nous punir pour les fautes des autres. Vous êtes responsables de la mort de mes parents, de celle de Morgane et j'en viens même à me demander si vous n'avec pas tués aussi ma grand-mère. Mon frère et moi nous sommes bons. Alors peu importe ce qu'il vous en coûtera, peu importe que le Conseil soit séparé ou qu'il faille ramener ses membres d'entre les morts, je vous ordonne de nous rendre nos pouvoirs immédiatement !

Le ton de sa voix avait augmenté, le tonnerre commença à gronder. La pluie s'abattit sur son visage, mêlant sa rage à son désespoir. Avait-on oublié le but de leur création ? À quoi bon garder encore deux Silvano en vie s'ils ne pouvaient même pas défendre leur Terre ?

Trempé, il rentra. Depuis le canapé, Louis observa la silhouette moribonde de son cadet. Il craignait que celui-ci ne soit le prochain à expirer. Il n'avait jamais exprimé ses émotions depuis le meurtre de Morgane, il était temps qu'il craque. Pour se laver du passé, repartir de zéro.

Les examens de fin d'année furent catastrophiques, Eric les obtint de justesse, sans aucune mention. Il ne prenait plus goût à rien, ni même à la lecture qu'il avait favorisé pendant tant d'années. Il s'endormait sous une carapace de béton, où même Louis n'avait pas l'accès.

Le mois de Septembre arriva sans qu'aucun grand changement ne vienne modifier l'existence des frères Silvano, dans ce quartier tranquille du sud de Wisteria Falls. Depuis les deux décès du printemps denrier, aucun événement important n'avait eu lieu. Louis ne sut donc jamais ce qui provoqua chez son frère le déclic, mais un soir qu'il rentra de l'hôpital, il trouva le manoir rangé, comme avec les « coups de neuf » qu'il recevait du temps de la grand-mère. Le petit frère s'était rasé, il avait rangé ses larges et poussiéreuses. Deux jours plus tard, il lui présenta son nouveau patron, le directeur d'une librairie en ville. Lui qui avait toujours aimé les livres était dans son élément. Et puis surtout, qui de mieux pour conseiller les clients qu'un vendeur qui est une véritable encyclopédie ?

Louis ne pouvait que s'en réjouir, bien que ce changement brusque restait inexplicable. Au moinds aurait-il voulu connaître la raison. Y avait-il une nouvelle fille ? Non, impossible. Mais quoi alors ?

La réponse ne tarda pas à lui apparaître. C'était le même soir, au repas. Les deux frères étaient silencieux, chacun dans son univers.

- Eric, passe-moi le pain.

Moins d'une seconde plus tard, le pain était dans la main du demandeur.

- Merci.
- J'ai rien fait.

Ils relevèrent les yeux de leur assiette, Le pain était là, dans la main de Louis.

- Tu peux me dire comment il est arrivé alors ?
- Comment veux-tu que je le sache ?

La surprise commençait à se lire dans les yeux de l'aîné. Il savait bien que son frère y était pour quelque chose.

- Eric ... Qu'est-ce que tu as encore fait ?
- Moi ?! Rien !
- Pas de formule, d'incantation bizarres ?

Il ne répondait pas à la question. C'était mieux qu'un mot quelconque. Se levant de table, il débarassa son assiette et se dirigea vers la cuisine.

- Ne pense pas t'en tirer comme ça, reviens ici tout de suite !

Comme pour le pain, Eric apparut devant son frère, son assiette à la main.

- Là, ne me dis pas que tu n'as rien fait ...
- Ce n'est pas moi. En réalité ... ça vient de toi.
- Quoi ?!
- On nous a rendu nos pouvoirs.

De retour à la cuisine, il déposa son assiette dans l'évier, Louis le retrouvait déjà.

- Attends, ne pense pas t'en tirer si facilement , tu me l'annonces comme ça ? Tu pourrais au moins m'expliquer !

Il n'y avait pas grand chose à expliquer. Avant, Louis lévitait. Autrement dit, il déplaçait son corps dans l'espace par la pensée. À présent, il pouvait non seulement déplacer son corps mais aussi les objets ou les personnes sans avoir besoin de les toucher. La magie était revenue. C'était elle qui avait redonné du courage à Eric, elle qui leur avait donné des pouvoirs, leurs pouvoirs.

- J'ai toujours cru que je n'avais pas de pouvoir personnel, c'était faux. Tu te souviens, quand j'étais petit, on me disait toujours que j'étais doué pour raconter des histoires ? C'était lui, mon pouvoir, je pouvais transmettre aux autres mes passions. Aujourd'hui, je peux faire bien plus. Il me suffit de toucher quelqu'un pour l'obliger à faire tout ce que je veux. Ça marche comme une sorte ... d'hypnose. Je pose ma main sur lui, je lui dis « Dors » et il s'endort dans la seconde.

Louis ne dit rien, il se contenait d'écouter. Cela dépassait en réalité tout ce qu'il avait bien pu imaginer. Pour lui, la magie était morte avec grand-mère, il ne s'en était plus jamais servi et s'apprêtait à mettre un terme à cette partie de son existence. Et voilà que lui apparaissaient de nouveaux pouvoirs, surpuissants et surtout très dangereux. C'est vrai, son frère pouvait mettre le monde à ses pieds en un claquement de doigts alors que lui faisait apparaître tout ce qu'il désirait ...

- Non, tu ne comprends pas. On ne peut pas s'en servir pour notre plaisir propre ou contre des humains, ils sont uniquement là pour nous aider dans la lutte qui opposera les sorciers aux vampires.

Louis s'assit.

- Louis, tu n'as toujours pas compris ? La guerre a commencé.

Aujourd'hui, Eric a 21 ans. Voilà trois ans que leurs pouvoirs leurs sont revenus. Trois qu'ils ont entrepris le combat. Serait-il possible que dans quelques années, les Silvano retreouvent leur gloire d'antan ?