Depuis six mois, on ne peut pas vraiment dire que j’ai de vie. Ou tout du moins que j’en profite. Depuis six mois, je traque sans relâche la personne qui a tué mon père. Je ne connais ni son nom, ni même sa nature. Tout ce que je sais, c’est qu’il m’a arraché mon précepteur. L’homme qui sut m’enseigner tout ce que je savais désormais, et surtout faire de moi l’homme que je suis aujourd’hui. Alors mes journées ne ressemblent plus vraiment à des journées, puisque je ne fais même plus la différence entre le jour et la nuit. Secouer quelques informateurs, étudier les noms potentiels, et recommencer. Un travail de fourmis, qui ne porte pas vraiment ses fruits. Je n’obtiens rien et n’avance donc pas. Alors en même temps, je ne peux m’empêcher de songer au passé. Aux étranges circonstances autour de ma naissance. Autour de son lieu. Je suis irlandais, mais né à Londres. Mes parents n’étaient pas en voyage, ni même expatriés. Je suis tout simplement né à Londres. D’ailleurs, si j’en crois les dires passés de mon défunt père, je n’ai passé que quelques heures dans la capitale britannique. Alors une telle pensée éveille un peu plus ma curiosité. Tellement que, ma jeune sœur étant partie en vacances avec la famille de sa meilleure amie, je décide de prendre un aller simple pour Londres. J’ignore quand je vais rentrer. Et si même je vais rentrer. Connaissant mon caractère, je serais bien capable d’engager un déménagement de dernière minute. Mais pour l’instant, il n’en est pas question. Je pars tout simplement avec une majeure partie de mon armoire dans ma valise, et de nombreuses questions dans les poches.
Le vol se déroula sans embuche. Fort heureusement : je hais l’avion. Non pas le fait de voler, mais d’être confiné avec tant d’inconnus qui ne se gênent pas pour empiéter sur votre vie privée. J’ai toujours eu besoin de mon espace, de ma sphère. Cette sphère que je ne parvenais pourtant pas à remplir…
Arrivé quelques heures plus tard, je ne pus qu’être surpris du temps radieux et des températures agréables. Si bien qu’à peine arrivé, il me fallait déjà quitter ma veste en cuir pour ne conserver que ma veste en tissu laissée sur un T-shirt simple. Mon jean, lui, me suffisait amplement. Les températures n’étaient pas caniculaires, mais assez agréables pour profiter d’un soleil rare. Le taxi mit moins d’une demi-heure pour me déposer à mon hôtel. S’il pouvait paraitre rustique, ce dernier me convenait parfaitement : il était situé en plein cœur de la grande ville, et sur son parking m’attendait une voiture de location. Ainsi, je pouvais voyager comme bon me semblait afin d’étendre mes recherches. Mais soyons honnête, je ne savais par où commencer. Dans mes intentions, j’irais me rendre dans le quartier où l’on peut trouver la majorité des sorciers. Mais pas de suite. La fatigue altérait mon jugement, et je me disais que – peut-être une fois – je pourrais m’accorder un peu de temps libre. Il n’avait pas encore été attribué, mais cela ne saurait tarder. Puisqu’après une poignée de secondes de réflexion, je m’étais déjà endormi sur le lit qui – pour ma grande surprise – était agréable.
Lorsque mes yeux s’entrouvrirent au milieu des oreillers, il était 18 heures passées. Non, je n’avais aucun scrupule à avoir passé la moitié de ma journée à dormir. Pour enlever tout doute possible, je me décidai à sortir. Non seulement parce qu’il fallait que je me trouve de quoi manger, mais également parce qu’il me fallait visiter ces pubs où j’avais de grandes chances de trouver mes réponses. Alors rapidement, j’arrangeais mes cheveux, enfilais une paire de chaussures en cuir après avoir troqué mon T-shirt par une tunisienne surmontée de ma veste en cuir. En moins de dix minutes, j’étais dans la rue à choisir entre la voiture et la marche. Et au vue de la soirée claire, la deuxième option fut choisie.
Les rues n’étaient pas désertes ni surchargées. C’était agréable. D’autant plus que le fil de mes pas m’amena sur les quais de la Tamise, un peu plus peuplés de touristes en quête de la photo souvenir idéale. Je continuais donc de marcher lorsque, derrière moi, une personne tentait de m’interpeller...