do we know each other ? - Quinny -

Invité

Au milieu des campagnes désertes, sous un ciel bleu éclatant, un train fendait le paysage pour continuer sa route à toute allure. A destination d’une petite ville d’Angleterre, la machine de fer ne transportait pas beaucoup de passagers. Wisteria Falls. J’ignore encore pourquoi je me rends dans cette ville, mais une chose est certaine : je n’ai pas d’autre choix. A mes côtés, ma jeune sœur s’est endormie, ses écouteurs aux oreilles. Sa tête penche de mon côté, comme si elle cherchait le confort de mon épaule sans l’avoir trouvé. De l’autre côté de la tablette nous séparant de nos voisins se trouvent deux sièges vides. En fait, notre voisin s’est absenté quelques minutes après avoir lancé un regard attendri à ma sœur avant de traverser le couloir. Moi, installé du côté de la fenêtre, je n’ose me déplacer par peur de réveiller ma sœur. Alors j’admire le paysage. Cela fait plusieurs heures maintenant que nous voyageons. Nous avons commencé par prendre un train pour parcourir l’Irlande jusqu’à Dublin, où nous avons emprunté un ferry pour traverser la mer d’Irlande jusqu’à Liverpool. Arrivés à cette destination, nous avons embarqué sur un nouveau train qui nous conduit lui jusqu’à Wisteria Falls. Les nombreux arrêts allongent le trajet, mais les paysages sont magnifiques. Je regrette d’ailleurs que ma jeune sœur ne puisse les regarder avec moi.

« Tiens, je t’ai pris un café. »

Mon voisin est enfin revenu, deux cafés en main. Un chacun, bien entendu. Je remerciais cet homme d’un sourire, et m’empressa de boire une gorgée de ce breuvage qui me permettrait certainement de tenir jusqu’à terme. J’avais en commun avec mon voisin nos yeux d’un brun tellement foncé que l’on pourrait croire à des yeux noirs. Et nos visages, nous avons les mêmes traits. Normal, puisqu’il s’agit de mon père. Je m’interroge toujours sur les raisons qui ont amené mon père à nous amener en Angleterre. Avait-il enfin décidé de me dévoiler des éléments sur ma défunte mère ? Non. Son regard perdu dans les paysages me trouble. Il semble inquiet par l’horizon, et mes yeux épuisés ne parviennent pas à voir quoi. D’ailleurs, la fatigue prend peu à peu le dessus sur la caféine, et je plonge doucement dans les bras de Morphée.

« Gabriel, on est arrivé. Réveille-toi. Gabriel ? »

Gabriel ? Non. Je m’appelle Kilian, papa. Et laisse-moi dormir un peu s’il-te-plait. Alors que mon esprit cherchait encore un peu de sommeil, mon corps se réveillait sous le coup de spasmes rapides. Non. Ce ne sont pas des spasmes, quelqu’un me secoue de manière peu délicate.

« Monsieur, on est arrivé. Réveillez-vous Monsieur, nous sommes au terminus. »

C’est finalement en sursaut que je me réveille. Dans le siège à côté de moi se trouve mon sac à dos, et dans le couloir un agent de la compagnie des trains qui semble soulagé que je me sois enfin réveillé. En face de moi, pas de père. Ni de sœur dans le train qui me suppliait de me dépêcher parce que je lui faisais honte d’attirer tant l’attention. Il y avait juste moi, enfin arrivé à Wisteria Falls. Peu à peu, au fil de mes pas endormi pour quitter le wagon, je parviens à retourner dans le monde réel et à quitter ce rêve qui me semblait trop réel. Mais non. Mon père était bien décédé six mois plus tôt, et ma sœur était en vacances avec sa meilleure amie. Et moi, je restais hanté par ma rencontre à Londres. Par ce « Gabriel » dont elle était tant persuadée que j’étais. J’avais horreur de ces rêves qui semblaient si réels. Ils me faisaient toujours réfléchir sur ce que je souhaitais oublié. Alors dans le taxi qui m’amena jusqu’à mon nouvel appartement, je fus plus perdu dans mes songes qu’attiré par les décors de la ville. Parfois, je venais à me demander si mon père n’était pas encore en vie à essayer de me guider. Mais j’avais vu son corps sans vie qui ne laissait aucun doute sur son existence. Allais-je trouver son assassin ? Je l’ignorais. Tout ce que j’espérais pour l’instant, c’est que j’allais trouver un moyen pour rapidement me changer les idées.

Je ne fis que brièvement le tour de mon appartement, puisque je l’avais déjà visité quelques jours plus tôt pour l’état des lieux et la remise des clefs. Deux chambres, deux salles de bains et une pièce à vivre assez grande comprenant la cuisine et le salon / salle-à-manger. Tout ce qu’il fallait pour ne pas se marcher sur les pieds, mais se voir tout de même. Aujourd’hui, je ne déballerais rien. Tout d’abord parce que nos cartons de déménagement n’étaient pas encore arrivés, et parce que de toute façon je n’en aurais pas eu la motivation. Je me contenterais alors d’une douche pour sortir définitivement de mes songes, et de me changer pour sortir. Je n’avais pas non plus la motivation pour faire des courses, alors je mangerais à l’extérieur. J’en profiterai donc pour découvrir un peu la ville, ses habitants, et manger un morceau.

Lorsque je quittais mon appartement, il était 20 heures. Le soleil illuminait la ville d’une intensité moins forte, mais il était tout à fait possible de se diriger dans les rues sans avoir à plisser les yeux pour parvenir à lire une enseigne. Je m’arrêtais tout d’abord dans un fast-food pour prendre un repas rapide. Ok, elle était facile celle-là. Puis, au fur et à mesure de mes pas, je tombais enfin nez à nez avec un pub qui semblait plus qu’agréable. Le pub n’était pas plein, mais il y avait de nombreuses personnes tout de même. L’ambiance générale semblait agréable. Voici donc l’endroit idéal que je recherchais. Bien entendu, il n’avait rien à voir avec les pubs irlandais que je pouvais connaitre, mais cela ne voulait pas dire que l’endroit ne me convenait pas. Au contraire. Je me dirigeais donc vers le bar pour commander ma boisson – un scotch sans glace – puis je m’installais à une table haute où je pouvais observer une bonne partie de l’endroit.

Alors que je ne pouvais m’empêcher de regarder partout, je n’arrêtais pas de croiser le regard d’une jeune femme, assise un peu plus loin. Et ce n’était pas que nos regards se croisaient furtivement. Non. Elle me fixait. A chaque seconde, je sentais sur ma peau son regard bleu. Si cela pouvait être gênant, ça en était surtout flatteur. Mon égo emballé dans ma poche, j’attrapais mon verre à peine entamé et me dirigeais vers elle.

« Bonsoir, je peux vous offrir un verre ? »

Forcément, je ne pus m’empêcher d’offrir un sourire « bright » avec ma proposition. Un moyen comme un autre pour assurer une réponse positive.